© (c) Rutu Modan / Actes Sud BD
Tunnels
Autrice vivant à Tel Aviv, récompensée entre autres par des prix Eisner et des prix angoumoisins, Rutu Modan revient après sept ans d’absence et avec un récit « politicoburlesque » inspiré d’une histoire vraie. Des archéologues israéliens en quête de l’Arche d’alliance et des passeurs palestiniens se rencontrent dans un tunnel séparant Israël de la Cisjordanie.
Rutu Modan
Rutu Modan est née en 1966 et a passé les premières années de sa vie à dessiner dans les résidences des médecins du centre médical Sheba. Son père était le professeur Baruch Modan, chercheur sur le cancer et directeur du ministère de la Santé israélien dans les années 1980. Michaela Modan, sa mère, est une épidémiologiste spécialisée dans la recherche sur le diabète. Sa sœur aînée est également devenue médecin. Seule sa cadette a échappé à la carrière médicale, en devenant actrice et écrivaine.
Dans sa famille, Rutu est la dessinatrice et cette pratique est véritablement fondatrice de la manière dont l’artiste Actes Sud BD 2005 a construit son identité. Alors qu’elle se destinait à une carrière dans la chimie, Rutu reprend le dessin après son service militaire et s’inscrit à l’Académie des arts et du design Bezalel de Jérusalem.
Elle découvre alors la bande dessinée dans la classe de Kichka, un auteur de bande dessinée belge qui a migré en Israël. Dans ce pays sans modèle, ces élèves doivent inventer leur propre langage et commencent par entamer un dialogue avec les autres formes d’arts, comme la littérature et le théâtre, très vivants à Tel Aviv. Modan, pour sa part, contacte Etgar Keret, alors jeune auteur qui commence à être populaire. Ensemble, ils créent plusieurs nouvelles qui rencontrent immédiatement un certain succès. Comme la bande dessinée est un phénomène nouveau, aucun éditeur ou diffuseur n’est spécialisé et les auteurs publient partout où on les accepte. Cette génération, dont beaucoup sont devenus également enseignants, se rend chaque année au festival d’Angoulême, où elle est confrontée à la diversité de la création mondiale. Ils ramènent à chacun de leur voyage de nombreux ouvrages. Et peu à peu, ils fondent une bibliothèque, source d’inspiration dans laquelle puiser les modèles et les esthétiques à même de les aider à se construire leur propre approche du medium. Son approche de la bande dessinée restera ainsi toujours très théâtrale et peut être décrite comme la rencontre improbable de Tchekov, Spiegelman, et Hitchcock, trois références qu’elle convoque souvent pour expliquer son écriture. Après avoir obtenu son diplôme, elle fonde la maison d’édition Actus Tragicus en 1995, avec son ami Yirmi Pinkus. Le projet initial est de publier la version israélienne du magazine américain d’humour Mad. Un échec. La maison change de forme et devient alors la plateforme de publication collective la plus vivante de Tel-Aviv. En parallèle, Rutu Modan multiplie les expériences : elle publie un strip dans un grand quotidien de Jérusalem, illustre des nouvelles d’Etgar Keret, écrit des livres pour la jeunesse, s’essaie à l’animation et devient enseignante à l’université. Modan a ainsi reçu le prix Jeune artiste de l’année en 1997 et le prix du meilleur livre jeunesse illustré du Département de la jeunesse du Musée d’Israël en 1998. Au début des années 2000, Rutu Modan abandonne le format court pour se lancer dans son premier roman graphique. Ses deux dernières nouvelles, Retour à la maison et Jamilti (publiées dans "Énergies bloquées", éd. Actes Sud BD, 2005) annonçaient déjà une mue graphique et thématique. Son écriture s’emparait des problématiques de la société israélienne, non pour produire un commentaire politique, mais pour amplifier les drames humains et les relations familiales conflictuelles, sujet central de son œuvre depuis ses débuts. Son dessin, en réaction, s’épurait en partie des effets comiques et grotesques pour affermir une ligne claire qui laisse plus de place à cette réalité.
Visuellement, la perception de l’environnement et des personnages devenait plus directe et franche, moins stylisée. Convaincues par cette évolution, les éditions canadiennes Drawn and Quarterly, avec qui Rutu Modan discutait depuis quelques années, lui proposent de financer son premier roman graphique.
Devant un tel chantier, Rutu Modan prend le temps de découper un story-board relativement précis. Elle confie également, pour la première fois, ses personnages à des acteurs qu’elle dirige et photographie. Parmi eux se trouvent bien évidemment des anciens membres d’Actus Tragicus, et des amis comme Batia Kolton et Yirmi Pinkus. Grâce aux répétitions, le scénario s’enrichit et évolue, porté par l’interprétation des acteurs, qui s’emparent des protagonistes.
Avec ce dispositif, la dimension théâtrale au cœur de la mise en scène de Rutu Modan trouve une nouvelle ampleur. La ligne, quant à elle, évolue encore vers toujours plus d’épure, ce qui permet de cerner, avec justesse, les postures et les expressions découlant du travail des comédiens. Derrière les drames intimes et familiaux, Rutu Modan dresse le portrait de la nouvelle société israélienne, iconoclaste, abandonnée par ses pères fondateurs, obsédée par les questions d’héritage et de mémoire. En 2005, elle est élue artiste exceptionnelle de la Fondation pour l’excellence culturelle israélienne. Enfin, en 2007, elle publie son premier roman graphique, "Exit Wounds". Le paysage politique israélien se mêle au drame individuel dans un formidable road trip doublé d’une quête du père. Le livre remporte un Eisner, le prix France Info, et le prix “essentiel” du Festival d’Angoulême. "La Propriété", publiée en 2013, confirme le style de l’autrice, mêlant une ligne claire épurée au portrait complexe d’une société israélienne tiraillée par son passée. Elle remporte le Eisner du meilleur album de l’année et le Prix Spécial du Jury au Festival d’Angoulême. Rutu Modan est ainsi devenue la tête de file de la première génération d’auteurs de bande dessinée israélienne.
Dans sa famille, Rutu est la dessinatrice et cette pratique est véritablement fondatrice de la manière dont l’artiste Actes Sud BD 2005 a construit son identité. Alors qu’elle se destinait à une carrière dans la chimie, Rutu reprend le dessin après son service militaire et s’inscrit à l’Académie des arts et du design Bezalel de Jérusalem.
Elle découvre alors la bande dessinée dans la classe de Kichka, un auteur de bande dessinée belge qui a migré en Israël. Dans ce pays sans modèle, ces élèves doivent inventer leur propre langage et commencent par entamer un dialogue avec les autres formes d’arts, comme la littérature et le théâtre, très vivants à Tel Aviv. Modan, pour sa part, contacte Etgar Keret, alors jeune auteur qui commence à être populaire. Ensemble, ils créent plusieurs nouvelles qui rencontrent immédiatement un certain succès. Comme la bande dessinée est un phénomène nouveau, aucun éditeur ou diffuseur n’est spécialisé et les auteurs publient partout où on les accepte. Cette génération, dont beaucoup sont devenus également enseignants, se rend chaque année au festival d’Angoulême, où elle est confrontée à la diversité de la création mondiale. Ils ramènent à chacun de leur voyage de nombreux ouvrages. Et peu à peu, ils fondent une bibliothèque, source d’inspiration dans laquelle puiser les modèles et les esthétiques à même de les aider à se construire leur propre approche du medium. Son approche de la bande dessinée restera ainsi toujours très théâtrale et peut être décrite comme la rencontre improbable de Tchekov, Spiegelman, et Hitchcock, trois références qu’elle convoque souvent pour expliquer son écriture. Après avoir obtenu son diplôme, elle fonde la maison d’édition Actus Tragicus en 1995, avec son ami Yirmi Pinkus. Le projet initial est de publier la version israélienne du magazine américain d’humour Mad. Un échec. La maison change de forme et devient alors la plateforme de publication collective la plus vivante de Tel-Aviv. En parallèle, Rutu Modan multiplie les expériences : elle publie un strip dans un grand quotidien de Jérusalem, illustre des nouvelles d’Etgar Keret, écrit des livres pour la jeunesse, s’essaie à l’animation et devient enseignante à l’université. Modan a ainsi reçu le prix Jeune artiste de l’année en 1997 et le prix du meilleur livre jeunesse illustré du Département de la jeunesse du Musée d’Israël en 1998. Au début des années 2000, Rutu Modan abandonne le format court pour se lancer dans son premier roman graphique. Ses deux dernières nouvelles, Retour à la maison et Jamilti (publiées dans "Énergies bloquées", éd. Actes Sud BD, 2005) annonçaient déjà une mue graphique et thématique. Son écriture s’emparait des problématiques de la société israélienne, non pour produire un commentaire politique, mais pour amplifier les drames humains et les relations familiales conflictuelles, sujet central de son œuvre depuis ses débuts. Son dessin, en réaction, s’épurait en partie des effets comiques et grotesques pour affermir une ligne claire qui laisse plus de place à cette réalité.
Visuellement, la perception de l’environnement et des personnages devenait plus directe et franche, moins stylisée. Convaincues par cette évolution, les éditions canadiennes Drawn and Quarterly, avec qui Rutu Modan discutait depuis quelques années, lui proposent de financer son premier roman graphique.
Devant un tel chantier, Rutu Modan prend le temps de découper un story-board relativement précis. Elle confie également, pour la première fois, ses personnages à des acteurs qu’elle dirige et photographie. Parmi eux se trouvent bien évidemment des anciens membres d’Actus Tragicus, et des amis comme Batia Kolton et Yirmi Pinkus. Grâce aux répétitions, le scénario s’enrichit et évolue, porté par l’interprétation des acteurs, qui s’emparent des protagonistes.
Avec ce dispositif, la dimension théâtrale au cœur de la mise en scène de Rutu Modan trouve une nouvelle ampleur. La ligne, quant à elle, évolue encore vers toujours plus d’épure, ce qui permet de cerner, avec justesse, les postures et les expressions découlant du travail des comédiens. Derrière les drames intimes et familiaux, Rutu Modan dresse le portrait de la nouvelle société israélienne, iconoclaste, abandonnée par ses pères fondateurs, obsédée par les questions d’héritage et de mémoire. En 2005, elle est élue artiste exceptionnelle de la Fondation pour l’excellence culturelle israélienne. Enfin, en 2007, elle publie son premier roman graphique, "Exit Wounds". Le paysage politique israélien se mêle au drame individuel dans un formidable road trip doublé d’une quête du père. Le livre remporte un Eisner, le prix France Info, et le prix “essentiel” du Festival d’Angoulême. "La Propriété", publiée en 2013, confirme le style de l’autrice, mêlant une ligne claire épurée au portrait complexe d’une société israélienne tiraillée par son passée. Elle remporte le Eisner du meilleur album de l’année et le Prix Spécial du Jury au Festival d’Angoulême. Rutu Modan est ainsi devenue la tête de file de la première génération d’auteurs de bande dessinée israélienne.
Exit Wounds (Actes Sud, 2007)
La Propriété (Actes Sud, 2013)
La Propriété (Actes Sud, 2013)