Couleurs !
Le Salon International de la Bande Dessinée voit le jour à Angoulême, le dernier week-end de janvier. Entre autres manifestations festives, il accueille l’exposition Esthétique du noir et blanc dans la bande dessinée. 50 ans plus tard, en écho, le Festival fait place à la couleur à travers une exposition immersive.
Placée à côté de celle de la bande dessinée en noir et blanc, l’histoire de la bande dessinée en couleur est raisonnablement “longue”. Que l’on pense à l’apparition aux États-Unis en 1896 du Yellow kid de RIchard F. Outcault dans les cahiers dominicaux du New York World, qui a contribué à une propagation assez fulgurante de la quadrichromie, ou encore, bien avant cela, en 1854, au rouge sang dont Gustave Doré s’est servi pour tacher deux pages de son Histoire pittoresque, dramatique et caricaturale de la Sainte Russie.
Au fil des décennies, noir et blanc et couleur ont cheminé de façon parallèle, chacun prenant tour à tour la tête pour des raisons pratiques, financières et esthétiques. Les premières colorisations, assez sommaires, fonctionnaient par aplats et, le plus souvent, selon un naturalisme académique. Très vite, et plus encore après-guerre, le rôle de la couleur s’accroît : on l’utilise pour ses valeurs locatives, métaphoriques, psychologiques. La frontière se fait plus mince entre la fonction narrative du dessin et celle de la couleur. Avec Arzach de Moebius, la bande dessinée s’ouvre à la couleur directe et à la picturalité, emportant dans son sillage des auteurs comme Bilal, Yslaire, Loustal, Richard Corben, Nicole Claveloux . À la jonction des années 1980-1990, l’arrivée de la colorisation numérique apporte un nouveau lot de petites révolutions et autres expérimentations chromatiques.
Reste que, comme le dessin et l’écriture, la couleur naît d’une intention. Celle de la dessinatrice ou du dessinateur qui poursuit avec la couleur son geste de création. Ou bien d’un coloriste – qui est le plus souvent une coloriste – qui établit un ensemble de choix déterminants. Couleurs ! entend ainsi accompagner la reconnaissance d’un statut longtemps invisibilisé.
L’exposition propose tout d’abord un bref rappel des étapes ayant jalonné l’histoire de la couleur en bande dessinée dans les sphères franco-belge, américaine et asiatique, et revient sur différentes techniques. Accueillant des dizaines de planches originales et de reproductions d’œuvres d’autrices et auteurs usant de techniques et d’outils différents, y compris numériques, le cœur de l’exposition permet aux visiteurs de déambuler dans une effervescence de mises en couleur, de l’aquarelle d’Hugo Pratt à l’acrylique d’Emmanuel Lepage, du feutre de Chloé Wary aux crayons d’Andrea Serio, du pastel de Lorenzo Mattotti à l’encre de Miles Hyman, en passant par la risographie et autres techniques singulières. Un troisième espace, consacré à la narration par la couleur, accueille des témoignages de coloristes dans les secrets de leur création. En fin de parcours, une salle interactive proposera même de jouer avec les couleurs.