Alcibiade par Rémi Farnos
Interview de Rémi Farnos, Jeune Talent en 2014, pour la publication de l'album BD jeunesse « Alcibiade » aux éditions La Joie de Lire
Nous avons posé quelques questions à l'ex Jeune Talent Rémi Farnos, dont le travail s'inscrit dans une recherche narrative et formelle qui vise à surprendre le lecteur. Ajoutez à cette originalité des personnages prêts à suivre leur folle passion et vous aurez l'un des auteurs les plus inventifs du moment. Il nous en dit plus :
En 2014 votre planche “Un entretien avec le Joseph” a été sélectionnée et elle a été exposée au Festival d'Angoulême dans l’exposition du Concours Jeunes Talents. En août 2015 les éditions La Joie de Lire publie l'album BD jeunesse “Alcibiade” qui développe l'extrait et la technique narrative présenté au Concours. Étiez-vous déjà au travail sur l'histoire intégrale ou vous y avez réfléchi en conséquence ?
Rémi Farnos : Les deux projets sont compris dans un processus de recherches narratives et formelles. Donc, quelque part, au moment où je m'attelais à Un entretien avec le Joseph j'étais déjà au travail sur Alcibiade. Même si l'histoire intégrale de ce dernier a été écrite bien plus tard.
Évidemment, ma participation au concours des Jeunes Talents se justifie par cette envie de confronter mon travail de recherche à un jury afin de voir ce que je pouvais en retirer, notamment de savoir si je me lançais dans quelque chose de bordélique et d'incompréhensible ou le contraire. Bon il s'avère que c'est le contraire, donc c'est cool ! C'est donc sur cette lancée que je suis resté en faisant Alcibiade.
Fable mythologique et d'aventure, cet album jeunesse destiné aux enfants à partir de 8 ans raconte le périple Alcibiade, une quête initiatique. Il semble plus naïf qu’Ulysse ou Hercule, que cherche-t-il ?
R.F. : Alcibiade, c'est le nom de l'album et du personnage principal, un petit garçon qu'on va suivre et voir grandir et même vieillir, tout ça parce qu'il se lance à la recherche d'un grand sage qui sera capable de lui prédire sa destinée et que ça lui prendra toute sa vie. Je pense qu'il perd de sa naïveté durant son parcours (c'est effectivement une quête initiatique) mais pas totalement. Je crois que sa grande force tient de sa conviction, ce qui peut aussi être vu comme une faiblesse. C'est quand même un peu stupide de s'acharner comme ça et en même temps c'est par ce biais-là qu'il s'est émancipé et qu'il s'est construit. Personnellement, j'ai une grande attirance pour des personnages qui s'acharnent dans un but passionnel, je pense par exemple à Ed Wood, resté dans l'histoire comme étant le plus mauvais réalisateur de tous les temps ; moins connu, Guillaume le Gentil (dont la vie me fascine tellement!) dont la poisse légendaire l'a suivi toute sa vie et pourtant il a continué ses recherches scientifiques sans baisser les bras, alors que franchement il aurait pu ! Je vous conseille de lire sa bio, c'est vraiment fou !v
© L'album Thomas et Manon aux éditions polystyrène
Comme pour votre dernier album “Thomas & Manon” et presque tous vos travaux, vous faites beaucoup de recherches quant au format et la mise en page. Quel est l'effet souhaité dans la lecture ? Comment la forme influence-t-elle le fond ?
R.F. : C'est bien un des axes principaux de mes recherches, ça me permet de me poser des questions sur le potentiel de lisibilité de tels systèmes. Mais aussi, ça me permet d'échapper à une forme d'ennui que je peux éprouver lorsque je m’attelle à des projets plus classiques (où en général je n'arrive pas au bout). L'effet souhaité est assez simple, ça amène du dynamisme dans la lecture tout en jouant avec les codes. Quant à la forme si elle influence le fond ? Oui ! Carrément ! En fait, il y a une grande part d'improvisation dans chacun de mes projets, je ne sais pas faire autrement (par exemple écrire un scénario bien ficelé etc.), ça m'ennuie aussi ! Du coup, en règle générale, je me lance sur la première page sans trop d'idées préétablies et puis je fonce, advienne que pourra ! Ce qui fait que la surprise est une partie intégrante de mon travail, tout ça pour dire que le fond est complètement influencé par la forme.
Quelles sont les œuvres qui vous inspirent ? Avez-vous des conseils, ou des références, pour les auteurs qui aimeraient participer au concours Jeunes Talents ?
R.F. : Concrètement, en bande dessinée, il y a le travail de Chris Ware que je trouve très riche et magnifique ! La lecture de Jimmy Corrigan m'a filé une sacrée claque à l'époque !
La dernière claque en date au niveau BD c'est le travail de Jens Harder, Alpha et Beta, que je trouve complètement vertigineux !
Après je ne peux pas faire l'impasse sur mes camarades d'écoles dont les pratiques, qu'elles soient éloignées ou proches, ont un impact énorme sur mon travail, car on discute beaucoup les uns avec les autres. Le chemin qu'on fait ensemble est difficile à faire tout seul. Je pense en particulier à Alex Chauvel (scénariste sur Thomas&Manon) dont le travail m'inspire beaucoup.
En terme de conseil à donner je ne sais pas trop quoi dire à part qu'il faut tenter sa chance en se faisant plaisir... C'est une bonne occasion, notamment pour ceux qui ne font pas d'études spécifiquement liées à l'Art, de confronter son travail avec un jury de professionnels.
Quels sont vos projets pour le futur ?
R.F. : J'ai plusieurs projets en cours :
Le premier est une nouvelle BD jeunesse, Les Végétanimaux, j'aimerais que ce soit mon prochain livre édité chez La Joie de Lire...
Le deuxième est plus complexe, c'est un leporello (livre accordéon) très très grand. C'est un large panorama spatial où l'on voit plein de vaisseaux de tout type se croiser et se recroiser. Toute la difficulté sur ce projet c'est que je joue avec le sens de lecture, qui change selon le vaisseau que l'on suit. Vous pouvez voir un aperçu sur mon site internet. Ça s'appelle Pour une poignée de météores.
Le troisième est embryonnaire, on aimerait repartir sur une nouvelle collaboration avec Alex Chauvel, toujours au scénario et moi au dessin. Un long projet de SF sur les robots.
Enfin, j'ai un gros projet en chantier depuis un moment, Les héritiers de l'Urraca (c'est visible sur mon site également) qui avance très doucement.
Pour la plupart de ces projets je n'attends plus que le feu vert de la part des éditeurs !
Vous pouvez en découvrir plus sur le site internet de Rémi Farnos ici.